J'lui ai prêté mon stylo

Sur la mer entre Bizerte et Calais Sur un cargo qui transportait des huîtres Un p'tit marin sanglotait, pleurotait Dans le mazout, ses larmes coulotaient L'essuyant de ma chemise J'lui dit "Qu'y a-t-il donc eu? Y m'répond "C'est ma promise Pas d'nouvelles, je suis cocu" J'lui ai prêté mon stylo Oh, hisse, oh, oh Au petit gars de Saint-Malo Oh, hisse, oh, oh Pour qu'il écrive à sa belle Qui d'meurait à Plougastel Il le prit sans dire un mot Oh, hisse, oh, oh (Deuxième épisode) Un an plus tard, ce cargo du démon Franchit l'équateur, traversa Joinville Près d'Argenteuil, le marin fit un bond Posa sa chique sur le mât d'artimon Y m'dit "J'pense à Héloïse Cette pauvre vierge qui m'attend L'soir où j'ai fait ma valise J'lui ai fait aussi quatre enfants J'lui ai r'prêté mon stylo Oh, hisse, oh, oh Au petit gars d'Saint-Malo Oh, hisse, oh, oh Pour qu'il écrive à ses mioches Qui bouffaient pas d'la brioche Mais plutôt des bigorneaux Oh, hisse, oh, oh (Troisième acte) Dix ans après sur ce cargo impur Nous abordions à Palavas-les-Mouches Il s'évanouit, tomba sur mes fémurs J'lui donne un rhum sans y mettre de bromure Alors ouvrant ses prunelles Il hurla "Je suis maudit Tous les miens sont sans nouvelles On me croit mort au pays" "Comment? Je t'ai prêté mon stylo" Oh, hisse, oh, oh Dis-je au p'tit gars d'Saint-Malo Oh, hisse, oh, oh Y m'répondit, 'spèce de cancre "C'est vrai, mais y avait pas d'encre J'ai pas pu écrire un mot" Oh, hisse, oh, oh Je n'prêt'rai plus mon stylo Oh, hisse, oh, oh