Istamboules le chat

Dans un aéroport, il était à ses pieds Au milieu de cigarettes fumées Et de gens qui prenaient un café Elle l'a regardé, il n'a rien demandé C'est souvent quand on n'a vraiment rien Qu'on ne fait pas pitié Elle l'a caressé et on l'a emmené Sur un bateau tout blanc, y a déjà trois années Istamboules, c'était un nouveau-né Ce chat, c'est fou ce qu'on l'aimait Il reste quelques poils sur l'armoire D'autres dans ma mémoire Dans mon étui d'guitare Sur mes boîtes de disques Dans le placard à repassage Et sur le tapis de laine Quelques poils dans le poulailler De la ferme voisine Quelques-uns sur tous les édredons Et sur mon pull bleu marine Quelques autres sur la plage arrière De ma voiture noire Et quelques poils tout blancs Dans le vent froid de toute la Seine-et-Marne Et puis, et puis surtout Plein de poils dans ma mémoire Istamboules, il avait de ces pattes Ce chat, c'est fou ce qu'on l'aimait Quelques pattes dans le ciment de la grange Et celui de la cuisine Sa première souris blanche Dans l'escalier de bois qui mène à sa cachette Quelques pattes sur la table Au moment des repas Quelques croquettes éparpillées Sous la chaise Récamier Avant de s'endormir Dans sa musique tout en rond Quelques pas chaloupés qui savaient dire j'ai faim Sans beaucoup de respect pour son copain le chien Il mangeait le premier, il avait le secret Secret d'une liberté, celle de décider Mon Istamboules, ce chat, c'est fou ce qu'on l'aimait Et puis un jour, on a compté les jours Un, deux, trois, sans rentrer J'ai fait semblant de le chercher Et quand je l'ai trouvé, j'ai pas voulu le croire Sur le bord de la route, il était allongé Il avait traversé, mais pas du bon côté Je l'ai pris dans mes bras et nous avons pleuré Ce chat, ce chat c'est fou ce qu'on l'aimait Il reste quelques griffes Sur les fauteuils soi-disant défendus Et plein de griffes dans son panier en osier Il manquait quelques barreaux qu'il avait mangés Lui le terriblement briseur Son panier, il l'aimait Et quand du fond du jardin je le sifflais Il savait qu'on l'emmenait D'ailleurs, y a que dans son panier Qu'il supportait d'être enfermé Quelques griffes, quelques griffes Et pas une seule sur mon visage Que j'aurais tant voulu garder Sous ces deux pierres blanches Caressées par le sol Où il guettait ses oiseaux Il est couché, j'ai mis des fleurs Et c'est pas con, non c'est pas con, je pleure Alors aujourd'hui, que personne ne m'en parle Rubrique des chats et chiens écrasés Je vous ordonne de vous taire Pas de bruit, pas de bruit Istamboules, mon Istamboules s'est endormi